Riquet à la houppe

« L’art a une tendance naturelle à privilégier l’extraordinaire. » Amélie Nothomb


Mon avis : 

nothomb

Riquet à la houppe est un conte populaire, dont la version la plus célèbre est celle de Charles Perrault, parue dans Histoires ou contes du temps passé en 1697. Amélie Nothomb revisite ce conte avec ses personnages. Une fois de plus, j’ai été conquis par son travail.

Le roman nous transporte durant les grandes étapes de la vie de deux individus très différents. Ainsi, d’un chapitre à l’autre, nous découvrons Déodat et Trémière.

Le premier est très vite catalogué par le monde qui l’entoure : Déodat souffre de laideur. Selon les critères de notre société, il est de loin le nourrisson le moins beau au monde. Mais très vite, il va faire preuve d’une intelligence qui dépasse l’entendement. Très tôt il apprend à marcher, à parler et réfléchir sur sa condition. Il semble ne pas comprendre le désintérêt qu’on lui porte. Le déclic a lieu lorsqu’il se voit pour la première fois dans un miroir.


Tout être qui vit un traumatisme aussi cruel est confronté à un choix obscure : soit il décide de haïr l’univers pour lui avoir réservé une place aussi injuste, soit il décide d’être un objet de pitié pour l’humanité. Rarissimes sont ceux qui optent pour la porte étroite de la troisième voie : reconnaître l’injustice pour telle, ni plus ni moins, et n’en tirer aucun sentiment négatif.


Ce choix difficile, Riquet le fait. Au fil des chapitres, il fait de sa laideur dictée par notre société sa force tant elle le définit comme singulier. Au lieu de s’apitoyer sur son sort, il va passer au-delà de son handicap et jouir de son intelligence. Mais lorsqu’il doit affronter le sentiment le plus fort, l’amour, il se retrouve confronté à son handicap : sa laideur l’empêche de conserver l’objet de son désir.

Trémière quant à elle est d’une beauté sans mesure, mais son esprit lui fait défaut. Eblouie par le monde, elle parle tardivement et fait preuve de flegme. Son manque d’intérêt pour ses semblables l’entraîne dans des situations humiliantes sans pour autant qu’elle s’en rende compte. Mais son manque d’esprit ne l’empêche pas de trouver sa voix. Elle profite de ce que la nature lui offre.

Chacun d’eux va alors se rencontrer inéluctablement.

Amélie Nothomb nous invite donc en reprenant ce conte à nous poser les bonnes questions. Qui sommes-nous pour juger les gens sur leur physique et leur esprit? Ne peut-on pas faire de nos singularités des atouts de force pour profiter de ce que la nature nous offre en plus? Emmaillotées par des critiques acerbes mais rondement bien menés sur les travers de notre sociétés, Amélie Nothomb répond à ces questions par le biais de ses deux personnages attachants et émouvants. J’ai pris beaucoup de plaisir à le lire. D’autant plus lorsque l’auteure égraine par-ci par-là quelques notes humoristiques. J’ai d’autant été très surpris de cette agréable découverte livresque que j’avais lu des critiques plutôt négatives. A savoir que le roman était creux, sans intérêt particulier et loin d’être le meilleur d’Amélie Nothomb. J’ai envie de répondre à cela que l’auteure a évolué dans son style certes, mais reste dans la même veine qu’à ses débuts. Une écriture incisive, qui bouscule nos pensées avec des personnages uniques auxquels on s’amourache avec plaisir.

Sachant que je l’ai lu d’un trait, je le recommande vivement tant j’ai passé un bon moment.

Retrouvez Riquet à la houppe ici !

Fille de diplomate belge, Amélie Nothomb est née le 13 août 1967 à Kobé, au Japon. Elle publie en 1992 son premier roman Hygiène de l’assassin, unanimement salué par la critique et le public. En vingt ans de carrière, Amélie Nothomb a notamment été récompensée par le Grand Prix du Roman de l’Académie française 1999, le Grand Prix Jean Giono pour l’ensemble de son œuvre et le Prix de Flore 2007.

Riquet à la houppe, Amélie Nothomb, Albin Michel, 2016 (198 pages)

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